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Par : Pat CHN
Publié : 11 janvier 2019

Nutrition Segmentée chez le Chien

Globalité version N°1

Faisant de l’ostéopathie, nous avons appris la globalité dans le corps physique par rapport au symptômes. C’est notre globalité biomécanique, maintenant habituelle et celle pour laquelle l’ostéopathie commence à recevoir ses lettres de noblesse. Et puis, nombre d’entre nous rajoutent à cette globalité, celle des émotions, des pensées, des mémoires ... dans une ostéopathie plus éthérée, plus énergétique, plus vitaliste. Cette ostéopathie qui peine à se faire une place dans une société matérialiste.

Mais trop peu d’entre nous y rajoutent une portion non négligeable de ce qui fait l’équilibre corporel, c’est le mode de vie ... le patient homme ou animal que nous venons de voir est- il à sa place dans sa vie ? Arrive t’il à faire autre chose que survivre ? A t’il tous les matins l’envie de ce qui l’attend ? Son réseau relationnel est-il porteur ou destructeur ? Qu’en est-il de la (micro)société dans laquelle il vit ?

Mais avant de refaire le monde de notre patient (homme ou animal), il y a une problématique simple et importante à considérer : la nutrition. On s’est probablement tous dit un jour que nous sommes ce que nous mangeons.

Quels aliments franchissent la bouche de notre patient ? Combien d’entre nous font à la suite de nos techniques un détour vers l’alimentation du patient ? Pour ma part, il me semble clair que je n’y mets pas le nez assez souvent ...

Et en particulier parce qu’il me semble qu’il faudrait rentrer dans un suivi précis de ce que fait le patient, parce que des données générales sont trop floues donc inutiles, et, que des injonctions trop précises ne seraient pas forcément bien comprises et bien suivies sans une implication jugée trop forte de ma part ...

Pourtant, il est une des espèces que je soigne pour laquelle je refais souvent le régime, parce que pour elle, on a admis qu’un régime uniforme, complet en lui même, était souhaitable. Des croquettes pour les chiens... En effet en 50 ans nous sommes arrivés dans une quasi généralisation de la croquette comme seul aliment équilibré pour le chien. Il y a bien quelques rebelles qui préconisent du barf [1]... mais ils ont contre eux un lobbying efficace de monsieur croquette qui jure aux grands Dieux que seules leurs formulations permettent à un chien de vivre.

Hors penser que nos amis chiens et donc les loups leurs ancêtres qui existent depuis des millions d’années ont réussi en quelques décennies à s’adapter finement à la céréale cuite ou/et extrudée comme principal aliment, simplement parce que cela remplit la case calorie de l’étiquette obligatoire, me semble une pensée peu scientifique.

Alors si la croquette joufflue donne bien des chiens grands, gras, apparemment en forme je ne suis pas loin de penser que pas mal de maladies chroniques sont bel et bien dues où en tous cas favorisées par cet optimisme béat devant la croquette salvatrice.

Après plusieurs années de réflexions, je me suis tourné dans la prescription de ce que je vais appeler la nutrition segmentée, c’est une solution parmi d’autres bonnes solutions n’en doutons pas. En aucun cas le régime ultime ! Mais il est le résultat d’une recherche pour essayer de faire au mieux. Je vous le livre : dans la pratique et dans son pourquoi ....

Chrono-Nutrition

Pendant longtemps, des clients m’ont parlé de la chrono-nutrition de Dr Delabos. Solution pour lui à la fois pour faire maigrir les gens en surpoids et à la fois pour mieux nourrir les personnes âgées dénutries.

Je le pratique moi même avec succès, avec maintenant un recul de 4 ans et cela me convient.

Quel est le principe de ce régime ?

Il existe des tas de livres sur ce régime, où l’auteur explique sa pensée. Mais amateur de simplicité, je retiendrai quelques principes sur son raisonnement et ses prescriptions sur l’animal humain :

 1 - Le volume des repas doit dépendre de l’activité programmée derrière. Ce qui donne au repas du matin et du midi une importance capitale. Mais c’est bien ce que nous avons entendu régulièrement sous forme d’adage : le matin mange comme un roi, le midi comme un prince, le soir comme un mendiant ... ou bien celle-ci : réserve-toi le repas du matin, partage celui du midi avec tes amis et offre celui du soir à tes ennemis. Partant d’un principe simple, si tu ne te mets pas en route derrière un repas, ton organisme stocke le résultat de la digestion, hors dans une société où l’on ne bouge en général pas assez (nos chiens non plus ?), la chose est entendue avec une épidémie de surpoids dans notre société qui n’a pas à voir qu’avec la quantité de calories ingérées.
 2 - Autre principe qui avec le recul m’a paru fondamental, ce n’est pas en allégeant la densité de son repas que l’on maigrit. Si le repas ne contient pas les éléments qu’il recherche ou la qualité des calories qu’il attend, paradoxalement il stimule l’appétit, on se retrouve à manger de gros volumes et à stocker ce qui est en trop. Il convient donc de densifier sa ration plutôt que de l’alléger et de manger moins.
 3 - Pour les humains on ne sert qu’un plat, à volonté, mais un seul plat. Multiplier les plats, relance l’appétit et fait que la quantité ingérée est plus forte (pas d’amuse gueule, pas d’entrée, pas de dessert).
 4 - Prendre des aliments simples, le moins transformés possible et ne contenant pas un mélange de tous les composants possibles (Exemple : plat à base de viande, mais mélangé avec de la poudre de lait, de l’huile de palme et du sucre raffiné ...). Raccourcir les circuits permet d’être moins carencés en vitamines alors que des publications récentes nous disent que cette carence vitaminique devient épidémique dans notre mode de vie et d’alimentation ( surtout en vitamine D [2]). En particulier il convient d’éviter absolument le sucre avec les repas de protéines ou de lipides.
 5 - Le moment du sucre est pour l’homme vers 4h de l’après midi, moment où, selon le Dr Delabos, sont secrétées en plus grand nombre, les enzymes nécessaires à leur digestion. Et bien sûr, il faut alors privilégier les sucres naturels, fruits en particulier.
 6 - Cela donne par exemple un régime de ce type : petit déjeuner, thé ou café sans sucre, pain fromage, beurre, (œuf) ; repas de midi, viande/féculent ; goûter, fruits frais ou secs ; soir : légumes avec ou sans poisson maigre.
 7 - Cet addenda est plutôt personnel, fuyez comme la peste les aliments contenant des additifs qui au mieux nécessite au corps de les diluer avec le l’eau avant leur élimination, ou pire crée des allergie chroniques ou pire sont cancérigènes.

L’expérience que j’en retire ou bien celle de mes patients, m’a prouvé l’efficacité de ce régime pour redonner du poids ou pour en perdre. Malgré tout je le trouve trop carné, trop protéiné et ne tenant pas assez compte des vrais enjeux de la nourriture dans l’assiette : De la viande, des légumes ou des féculents,du fromage oui mais de quelle filière ?

Nutrition segmentée chez le chien

J’ai donc voulu adapter ce régime chez le chien, intimement convaincu que la plupart des problèmes de peau ou d’arthrose que nous rencontrons chez nos compagnons ont pour partie leur racine dans la croquette, certes équilibrée en protéines, fibres, etc ...mais contenant des tonnes de produits indigestes et responsable de perturbations du microbiote et donc de fermentations inopportunes rajoutant des toxines circulant dans tout le corps.

Je suis parti du principe simple que la céréale pour le chien est et devrait rester une anecdote .... S’il mange de l’herbe pour "se purger", le reste de son alimentation est constitué essentiellement de produits animaux. Donc viande plus légumes seront l’essentiel de l’alimentation en séparant dans le temps la prise de légumes de celle de la viande pour éviter de télescoper pour le tube digestif les temps de traitement de ces différents aliments.

Ce qui donne ceci et c’est très simple à mettre en œuvre :

 Le matin 10 à 20 g de viande crue par kg de chien avec son gras et ses fascias.
 Le soir 10 à 20 grammes de légumes vert par kg de chien. Auquel on rajoutera un peu d’huile de colza pour les Omega (lipides insaturés) et un peu de levure de bière ou d’ultra-levure.

Viande du matin,remarquez son aspect rosé du à la fermentation, ici au bout de 4 jours. Les haricots verts du soir, juste sortis de la boite et arrosés d’huile de colza bio

Si friandise il y a à donner, cela reste possible en petite quantité, mais dans le milieu de la journée en dehors de ces repas.

Fermentation

Il existe une possibilité très simple d’améliorer encore de façon notable ce régime (et de rendre caduque l’ajout de levure de bière sur les légumes ). C’est de faire fermenter la viande avant de la donner. En effet dans notre façon actuelle de faire la cuisine, on a la plupart du temps zappé que la meilleure façon de garder les aliments se faisaient par fermentation qui avait l’avantage de rallonger le temps de conservation des légumes et autres produits. On a oublié que la limonade ce n’est pas du sucre et du CO2, mais une fermentation de bactérie ou de champignon qui mange le sucre et produit du gaz et donc à la fin un produit gazeux, sans sucre quasiment et gavé d’une flore bactérienne qui entretient le microbiote. Deux produits qui même s’ils ont le même nom, n’ont rien à voir, l’un est mort et toxique, l’autre est vivant et porteur de santé.

On a oublié que les cornichons sont d’abord des produits lacto-fermentés qui à la fin sont ramollis par les bactéries/champignons qui ont fait disparaître son côté amer et in fine baignent dans un jus d’acide lactique farci de microbiote en puissance et non des cornichons mal cueillis, mal conservés jusqu’à être baignés dans de l’acide acétique de synthèse pour en récupérer le côté acide et heureux quand ils n’ont pas été baignés dans la soude pour être ramollis et farcis d’additifs pour se conserver ... deux produits qui, si ils ont le même nom n’ont rien à voir pour la santé de celui qui les mangent.

Alors, il faut se souvenir qu’il peut être très intéressant de faire fermenter les aliments que l’on donne à son chien. Je ne l’ai pas fait pour les légumes encore, car la lacto-fermentation des légumes verts amène pas mal de sel (NaCl) que j’hésite à fournir à ce stade, mais il me faut peut être penser à faire fermenter la carotte au kombucha qui mangerait alors son excès de sucre ... Piste née de l’écriture de cet article, à suivre ! Par contre la fermentation type Kombucha [3] est du meilleur effet sur la viande : Disparition des sucres rapides de la viande, digestion aromatique de certaines protéines qui se retrouvent dans le corps des champignons et bactéries qui se retrouveront dans le bol alimentaire, et enrichissement en vitamines, en particulier vitamine C et surtout vitamines B. Le bonus c’est qu’une viande ainsi traitée se conserve facilement une semaine crue au réfrigérateur.

Mode d’emploi, il est nécessaire car cette habitude de fermentation est sorti du sens commun.

Prendre un récipient qui logera dans votre réfrigérateur, y mettre les morceaux de viande, coupés pour être prêts à consommer, pour une ration d’un ou plusieurs jours selon votre commodité. Rajouter un demi verre de kombucha, la boisson que vous trouvez non stérilisée sous forme de limonade dans votre magasin bio. Rajouter de l’eau jusqu’à couvrir la viande et mettre au réfrigérateur. Des 24H plus tard l’effet a bien débuté et vous pouvez la donner jusqu’à une semaine après. Ce qui vous confirme la réussite c’est l’aspect rose clair que prend la viande, la bonne odeur aromatique qui se dégage et que vous ne pouvez pas confondre avec une odeur de putréfaction. Le jus peut resservir plusieurs fois juste en rajoutant de la viande et en complétant le niveau d’eau. Vous referez le jus à partir du début quand il deviendra très, très rouge et commencera à changer d’odeur. Ne le jetez pas, mettez le dans votre compost.

Praline, fidèle assistance depuis 15 ans. Elle bénéficie de ce régime depuis 4 ans, effet radical sur ces problèmes de peau chroniques et sur l’arthrose sévère du genou et de l’épaule qui était la sienne. Bon sur le poids pour elle c’est moins évident !

Globalité version N°2

Mais en ces temps où j’en suis convaincu notre société tend vers la dystopie nous nous devons absolument de réfléchir pour chaque innovation, pour chaque geste, pour chaque filière mise en place : à sa gestion des ressources, à sa façon de produire écologiquement et socialement, à ses déchets ....

Il convient aussi quand on prescrit un type d’alimentation à quelqu’un, à un animal de réfléchir à l’implication sur la santé, mais aussi à l’impact sur le social, le technique et l’environnement.

Aussi en ne prescrivant pas les croquettes pleines de céréales, je sors d’un système industriel de production alimentaire.
 Favoriser l’utilisation du maïs nourrit une agriculture qui tue les sols en fonctionnant sur des engrais chimiques, consomme beaucoup d’énergie fossile, épuise les réserves en eau qui deviennent problématiques, est forte consommatrice de pesticides qui détruisent les abeilles et nourrit un capitalisme agro-alimentaire subventionné.
 Remplacer le Maïs par du riz repousse le problème dans d’autres pays et en plus favorise peut être la déforestation et rend difficile l’accès au riz à la population locale ...
 La viande utilisée dans ces croquettes est le plus souvent issue de déchets d’abattoirs d’élevage industriels dont l’ensemble de la filière peut être regardée de façon très critique quand à la souffrance animale et les pollutions engendrées.
 Ne parlons pas des additifs qui souvent n’auraient rien à faire dans une alimentation saine.

Bref revenir à une alimentation familiale sans céréales enlève peut être une partie du problème. Mais pas tout et pas forcément selon ...

 Pas de croquettes, pas de nécessité de filières incertaines et gourmandes en capitaux.
 Les céréales sont absentes, pas de maïs polluant, ni de riz volé par spéculation aux haïtiens.
 La viande : on reste à donner de la viande donc à se servir sur des restes d’élevage. Prendre sa viande congelée ou dans des grandes enseignes peut nous ramener à la case ferme aux mille vaches ou porcherie bretonne qui alimente les algues tueuses ; et on a souvent la problématique de produits conservateurs ajoutés à la viande. Acheter à un éleveur, se servir des restes chez son boucher-charcutier qui fait attention à la provenance de sa viande et à la qualité d’élevage est une des solutions les plus faciles et louables. Élever et tuer vous même serait le plus sain et le plus courageux, mais pas facile à faire. En tous cas raccourcir le circuit et veiller à l’origine du produit est toujours une bonne chose.
 Les légumes verts, tout le monde n’a pas de haricots verts ou de courgettes dans son jardin et puis ce n’est pas toujours la saison. Alors, bien obligé de se rabattre sur les haricots verts congelés ou en boite ... mais on reste prisonnier de l’agriculture industrielle et des déchets (boite en étain ou plastique et énergie pour le congelé). A moins d’être assez riche pour prendre le haut de gamme (haricots verts bio dans un bocal en verre consigné).
 L’eau fournie" liée aux molécules" dans les aliments qui ne sont pas des aliments "secs" est plus facilement utilisée et les animaux boivent beaucoup moins.

Ceci dit, nous nous devons d’être pragmatique même si on doit tendre vers un geste et un régime qui intègre toutes ces problématiques.

 Les croquettes (y compris de bonne qualité, y compris respectueuses de l’environnement et de l’humain, y compris végane ?) serviront en déplacement parce qu’elles sont très pratiques.
 L’alimentation de tous les jours gagnera à intégrer viande et légume vert en fonction des approvisionnements possibles en tendant vers le meilleur circuit.
 La fermentation sera un plus non négligeable ...

Conclusion

J’ai appelé nutrition segmentée cette façon de faire. C’est un régime très pragmatique et assez facile à suivre par la plupart des propriétaires de chien. Cela malgré le fait qu’on penserait que les haricot verts seuls passeraient mal. En fait ils sont le plus souvent très bien acceptés.

Avec le recul, ce régime fonctionne très bien :
 Sur les animaux qui font des Gaz ... : viande et légumes n’ont pas le même temps de transit, les séparer permet de mieux valoriser chaque aliment et évite les fermentations non voulues.
 sur les problèmes de peau,
 sur l’arthrose combiné avec un suivi ostéopathique,
 sur les problèmes de surpoids à condition que la quantité de viande soit bien maitrisée et que les petits surplus de la journée ne soient pas réguliers ni conséquents,
 sur les maladies à caractère immuns,
 c’est une aide au traitement du diabète.
 Etc ....

J’aurai même tendance à vouloir le généraliser sur tous les chiens en bonne santé ...

Notes

[1Alimentation à base de viande et déchets de viande avec un peu de légumes

[2Une nouvelle étude publiée en mars 2010 dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism a découvert avec stupeur que 59 pour cent de la population manque de vitamine D. De plus, presque 25 pour cent des sujets de l’étude révélèrent des taux extrêmement bas de vitamine D. L’auteur qui a dirigé l’étude, le Dr. Richard Kremer du McGill University Health Center, a dit que "des taux anormaux de vitamine D sont associés à tout une palette de maladies, y compris le cancer, l’ostéoporose et le diabète, ainsi que des troubles cardiovasculaires et auto-immunes."

[3Le kombucha est une boisson acidulée obtenue grâce à une culture symbiotique de bactéries et de levures dans un milieu sucré