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Par : P. Chêne
Publié : 19 mars 2013

Un chemin d’ostéopathie

Exercice de style pour notre revue d’ostéopathie comparée.

Désolé, j’aurais aimé que le rédacteur en chef de l’ostéo4pattes s’efface, mais je ne pouvais pas quémander des témoignages sans oser me prêter moi même à l’exercice de raconter mon ostéopathie et celle d’un de mes clients .... Et en particulier j’espère faire comprendre par ce texte les ressorts de mon action actuelle dans le dossier politique de l’ostéopathie.

L’ostéopathe

Curriculum sommaire

Diplômé vétérinaire en 1989 avec une thèse sur la pathologie des esturgeons, j’ai essayé de travailler dans ce milieu. Mais un sort tenace, stoppait au dernier moment toute piste s’offrant. Je me suis donc retrouvé vétérinaire mixte en Guadeloupe puis en Gironde.

Et en 91, en colère de ne pas savoir ce que savaient les rebouteux de nos campagnes, j’ai commencé un voyage vers le pays de l’ostéopathie avec les cours de L’IMEV et des Dr Lizon et Molinier. Les premières marches je l’avoue ont été très dures pour moi tant la vision ostéopathique de la santé est loin de la vision classique, tant la méthode ostéopathique est d’un certain côté à l’opposé de la méthode médicale académique. Mais pourtant de résultat en résultat je fût conquis par cette médecine au point d’entamer un cursus d’ostéopathe humain en 1997. Au point de ne faire plus que de l’ostéopathie au passage du siècle.

En 2003, muni de mon diplôme d’ostéopathie je me suis installé aussi ostéopathe humain, tout à fait officiellement, mais tout à fait hors du droit de l’époque qui ne reconnaissait l’ostéopathie qu’aux médecins ...

En 2008, mon dossier a été régularisé et j’exerce donc maintenant sur tous les mammifères ...

Parallèlement, la reconnaissance de l’ostéopathie a toujours été pour moi importante, j’ai donc travaillé avec d’autres pour qu’existe un enseignement d’ostéopathie dans une école vétérinaire et maintenant je continue d’y enseigner.

En 2003, j’ai pris l’initiative de créer un réseau de vétérinaires ostéopathes dans le but de mettre en relation tous les praticiens d’une autre sorte qui se sentaient bien éloignés de la famille vétérinaire.... et avaient envie d’échanger. Très vite nous avons ouvert à tous les ostéopathes dans le but de créer un maximum d’échanges et d’écrits. La revue, les fiches collectives, les rencontres annuelles sont le fruit de ce réseau.

Aussi, c’est naturellement et avec conviction que je me suis glissé dans le débat actuel : ostéopathie, vétérinaire ou non vétérinaire ?

J’ai écrit régulièrement dans le site de la revue pour donner mon point de vue et le bilan de ce qui se passe, mais globalement à mon sens : il faut trouver un consensus qui satisfasse la majorité tout en permettant à des gens bien formés, quels qu’ils soient de mettre en avant l’ostéopathie et de la pratiquer dans une éthique correcte.

Car quoi qu’on dise, on ne peut compter globalement sur le corps des vétérinaires pour promouvoir efficacement une médecine qui a tant de choses à dire ....

Quand et comment avez-vous découvert l’ostéopathie ? Pourquoi vous êtes vous lancé dans cette pratique ?

L’ostéopathie elle même est venue pour avoir vu mon père se faire guérir d’une sciatique rebelle par cette méthode, pour avoir été agréablement surpris moi même par des traitements qui semblaient sortis d’on ne sait où.

Et puis, à la campagne, il y a les rebouteux ... qui vous énervent (quand on se laisse énerver ...). Ils trouvent des trucs qui n’existent pas, font des machins qui ne devraient pas marcher et ça va mieux !! De quoi s’être senti souvent très con avec ses piquouses !!

Alors un jour l’occasion se profile vers une médecine manuelle, et on se lance. Même si le premier cours fut un grand choc ... je ne regrette pas d’être resté. La fluidité de la démarche diagnostique et du traitement, l’adhésion des animaux à la consultation, l’écoute imposée sont autant de facteurs qui poussent à se passionner pour cette façon de traiter et de la pousser encore plus loin tous les jours.

Pouvez-vous rapidement décrire votre consultation d’ostéopathie ?

Elle est rentrée de plain pied dans le domaine de la physique avec des notions de Tenségrité en particulier.

Le soin se passe quasiment sans tenir compte des symptômes tant celui ci n’est que la résultante de forces qui convergent vers lui et que du coup il convient de ne s’occuper que des points de départ de cette convergence. J’y rajoute le chant diphonique dont la basse à fréquence constante met les tissus en vibration et leur permet une résolution beaucoup plus profonde. Dans ces conditions l’ostéopathie structurelle est devenue une composante ultra minoritaire du soin et cela me semble plus cohérent et plus intéressant à long terme.

Qu’est-ce que cela a changé pour vous au quotidien ?

Comparer le vétérinaire que j’étais à 27 ans avec ce que fait l’ostéopathe à bientôt 48 n’a guère de sens. Les routes ont divergé à l’extrême. Donc tout a changé ... mes façons de soigner, mes façons de voir la maladie et la santé, ma façon de voir la vie ... de voir la mort.

Je crois pouvoir dire sans me tromper que rester dans la médecine classique m’aurait amené à une impasse intellectuelle... tandis que l’ostéopathie et ce qui lui fait cortège me porte tous les jours. Et je ne parle même pas des résultats cliniques et de ce qu’on en retire, je parle de cette faculté qu’ont les médecines globales et d’écoute, d’intégrer le symptôme dans une tranche de vie et de le rendre cohérent même si il ne sera jamais agréable.

Et pour le futur, à votre avis, quelle place pour l’ostéopathie ?

Je ne connais pas le futur, mais je sais ce que j’aimerais.

D’abord j’aimerais que les travaux que nous entreprenons pour pacifier les acteurs de l’ostéopathie animale portent leurs fruits et ne soient pas torpillés par des rancœurs ou des quêtes de pouvoirs ...

J’aimerais encore plus que l’Ostéo4pattes soit l’organe de parole de tous ceux qui pensent que discuter et partager son expérience est important.

J’aimerais que l’ostéopathie finisse par être en position d’apporter à la médecine classique les notions qu’elle aborde mieux qu’une médecine classique. Surtout quand l’actualité nous prouve tous les jours que cette dernière est inféodée - et je pèse mes mots - à une industrie pharmaceutique qui y fait la pluie et le beau temps, et empêche toute velléité de penser la médecine autrement.

Les discours soit-disant scientifiques entendus sur la médecine classique et qui pourtant sont pipés à la base d’une part et que d’autre part la bienséance voudrait que toutes les médecines complémentaires soient au mieux "non prouvées" au pire suppôts de sectes, déshonorent le corps médical dans son ensemble. Alors que la médecine est une et indivisible et au service du patient pas de celui qui soigne ...

L’ostéopathie peut faire entrevoir cela mieux que la médecine classique et pourtant c’est une histoire d’hommes qui fait qu’aujourd’hui l’ostéopathie ne fait pas beaucoup mieux que sa sœur médecine académique.

C’est ainsi que pour ce veau dont je viens d’entendre parler aujourd’hui , né difficilement il y a deux jours car trop gros, qui ne se lève pas, ne tête pas tout seul je crois :
 qu’il a certes besoin d’une perfusion et de quelques stimulants ...
- mais il a surtout besoin d’une bonne séance d’ostéopathie avec il y a fort à parier une grosse Force de traction médullaire à la clé.

Ce veau a donc besoin soit :
 d’un véto qui ne jure pas que par ses piqures et pratique aussi l’ostéopathie [[ou/et l’acupuncture, ou/et l’homéopathie]
 ou d’un vétérinaire qui, une fois fait son travail, réfère à un ostéopathe pour régler le problème de FTM ...

C’est cela l’avenir que j’aimerais pour l’ostéopathie qui est une médecine à part entière et non un sous-produit promu par de doux poètes ...

Ostéopathes, arrêtons nous mêmes de nous sentir en infériorité face à un système bien rôdé et sûr de lui. Mais ne prenons pas les travers de ce dernier nous-mêmes, sachons rester humbles et à l’écoute.


Le client, Ghislaine Joubert

Qu’est-ce que l’ostéopathie pour moi ?

L’ostéopathie est la seule médecine qui me garde en fonctionnement.
Psychologiquement et physiquement.
La science qui me répare, ou du moins me remet sur les rails. Mais aussi me permet de surmonter les difficultés. De passer un cap.
C’est ce qui évite souvent de passer sur le billard. De prendre des médocs pour soigner une chose, qui assomment et abîment forcément autre chose. C’est ce qui évite d’être immobilisé ou limité par la douleur que la médecine ignorerait.
C’est la réponse sans produit chimique, sans blabla, que le médecin n’aurait pu m’apporter.

L’ostéopathie, c’est ce qui me porte à bout de bras dans les épreuves (maladie ou décès de proches), et me permet de digérer plus vite. Ce qui me sort sans cesse la tête de l’eau dans les sales périodes.
C’est ce qui ôte un poids de la poitrine, qui délie le corps et les viscères, ce qui permet de respirer…

Quand vous avez mal violemment et sans raison aux poignets, que vous enchainez les tendinites aux coudes, et que vous vous entendez dire « Qu’est-ce qui vous empêche d’avancer ainsi ? » l’ostéopathie se change en magie : vous étiez en effet depuis des mois à attendre un tournant dans votre vie qui coinçait tous vos projets, comment ce praticien a-t-il mis le doigt là-dessus alors que vous ne lui avez rien dit ? Elle permet de prendre conscience, de mettre des mots sur des ressentis flous ou reniés. L’ostéopathie est alors un déclic pour se remettre en route.

Des années plus tard, je me dis que si j’avais connu l’ostéopathie durant mes études secondaires, je n’aurais peut-être pas abandonné (j’ai enchainé infections sur infections à cause du stress, au point que j’ai refusé de continuer dans cette voie)…

Que m’apporte l’ostéopathie en tant que cavalière ?

L’ostéopathie m’a assuré la possibilité de continuer à monter à cheval.
Fragilisée sur une cheville, je ne cessais de me faire des petites entorses en marchant sur les terrains défoncés des centres équestres ou en montagne. Cela a pris de l’ampleur au point de risquer d’interrompre un stage équestre à Saumur ! Heureusement, j’ai croisé un ostéopathe et dès le lendemain, j’ai repris mon stage…
Un choc sur le coccyx étant jeune m’avait laissée fort statique durant un mois… Quelques années plus tard, cette douleur s’est réveillée sans raison (du moins à mon sens), et a commencé à me gêner même à cheval. A nouveau, c’est l’ostéopathie qui m’a tirée de ce mauvais pas.

Du point de vue équestre, je tire la certitude que, correctement suivie, je ne développe pas de raideur, et donc je me sens sereine à cheval : quand celui-ci présente une résistance à une action, je ne me demande pas si elle vient d’un problème de posture chez moi. Pas de culpabilité, donc mon cerveau est fonctionnel pour aller de l’avant. C’est avec aplomb que je peux envisager de réagir pour amener le cheval à abandonner cette résistance, et à revenir à un travail vers la décontraction.

Par ailleurs, en faisant suivre mon cheval par ostéopathie au moindre doute, je m’assure de le savoir en pleine possession de ses moyens (on n’est pas à l’abri d’un faux mouvement au pré, d’une contrariété, qui agirait sur le corps de notre compagnon…). Ce faisant, je m’assure aussi, parce-que nous ne pouvons jamais être sûr de nous, que je ne fais pas de mauvais travail sur mon cheval malgré moi…

Que m’apporte l’ostéopathie en tant que monitrice ?

D’une part, elle m’assure de pouvoir travailler avec des équidés physiquement sains. C’est très délicat comme situation, d’aimer l’équitation, d’aimer les chevaux/poneys, et d’aimer enseigner aux débutants. C’est même totalement antinomique.
En faisant suivre chaque cheval pour lequel j’ai un doute, je lui assure de ne pas être exploité au-delà de ses moyens. Ou quand par accident un cavalier agit trop lourdement sur le rachis d’un cheval (outre le fait que je rectifie l’attitude du cavalier !), je fais voir ce cheval pour m’assurer de ne pas avoir de séquelle. Je n’ai pas de soucis de boiterie de cette façon, ni de défense, ni de cheval qui rétive. L’éducation y est pour beaucoup, c’est sûr, mais des chevaux mal dans leur dos ou leurs sabots ne coopèreraient pas si bien si longtemps…
Dans le même monde paradoxal, nous aimons les chevaux et les faisons vivre ensemble en espace clos alors qu’ils ne se seraient pas côtoyés dans la nature… Ceci ne peut qu’engendrer stress et déséquilibres. L’ostéopathie, c’est ce qui les aide à affronter ces contraintes avec plus de sérénité.

L’ostéopathie, c’est aussi ce qui m’a sauvé des chevaux quand la médecine n’y faisait rien (coliques, boiterie…).

D’autre part, dans mon métier, on est souvent amené à devoir éduquer ou rééduquer des chevaux sauvages ou rétifs. Ceci implique parfois de se faire bousculer. Même si ce n’est pas le lot quotidien, on ne sort pas toujours indemne de ces rencontres.
Par ailleurs, on est amené à porter de lourdes charges, à faire des efforts intenses ponctuellement, etc.

Grâce à l’ostéopathie, je n’ai pas eu d’infiltrations à mes coudes, ni de grosse opération à mon genou, ni de coccyx douloureux. Finies les entorses à répétitions aux chevilles. J’ai réussi mon test d’entrée au monitorat (trois jours avant, j’avais pris un coup de sabot dans l’aine qui avait paralysé ma jambe ; les médecins avait déclaré que mon tendon était fichu pour plusieurs semaines, pas mon ostéo ! c’est lui que j’ai cru). J’ai achevé mon poney-club (sans anxiolytiques !), fait mon stage à Saumur ainsi que celui avec M. Philippe Karl, j’ai pu continuer à soulever des bottes de foin. Je n’ai pas de séquelles des chocs que j’ai pris (poignets, doigts, épaules, bassin, etc.).

Et enfin, un dernier point est important dans ma vie professionnelle.
Quand une personne que je côtoie au poney-club semble rongée physiquement ou psychologiquement (pour des raisons qui ne me regardent pas), je me sens oppressée. Quand en plus elle est suivie sans succès par la médecine classique, je me sens en colère et impuissante. Jusqu’au jour où, cela devenant insupportable pour moi, je finis par l’inciter – lourdement parfois – à voir un ostéopathe. Lorsque cette personne accepte, quel soulagement de la voir, presque à tous les coups, quelques temps plus tard, aller mieux, voire nettement mieux !
De la même façon, quand un propriétaire de cheval est malheureux à cause de celui-ci (quand les vétérinaires sont impuissants), je finis par ne plus supporter cette souffrance et recommande de faire voir le cheval par un ostéopathe, quitte à être un peu… insistante. Presque toujours à nouveau, le cheval se sort de ses ennuis de santé suite à la manipulation (ou quelques manipulations), et tout le monde respire, retrouve le sourire, moi y compris !

Pour finir, lorsque l’un de mes cavaliers effectue une séparation intempestive de corps d’avec sa monture, devinez vers qui je l’oriente s’il se plaint de diverses contusions… ?


Voir en ligne : Poney club de clary